Bien que cet emprunt romanesque ait ajouté au succès qu'a connu la chanson, l'excellent accueil que lui ont réservé les Québécois dépend probablement du fait qu'ils se soient reconnus dans ce personnage marginal et quasi-schizophrène qu'est Don Quichotte, selon Marie-Hélène Bergeron: «À l'instar de Don Quichotte qui lutte pour conserver ses idéaux, les Québécois se battent pour sauvegarder leur caractère disctinctif dans la mer anglo-saxonne. Cette volonté de rester dans le monde de l'imaginaire se retrouve justement dans la chanson Je voudrais voir la mer, écrite en 1987. En fait, cette mer «où dorment les requins /dans des draps de satin» n'existe que dans l'imagination de son auteur, qui vit isolé et enfermé dans la ville:Je vis dans une bulle/ Parfois mon coeur est gris/ Et derrière la fenêtre/ Je sens tomber l'ennui/ . Idéalisation de la mer, envie d'un monde meilleur où des enfants pourraient vivre «sans tenir un drapeau»: il n'en fallait pas plus pour que soit assuré l'avenir de ce poème chanté qui a su toucher le public québécois en plein coeur.
L'expérience a toutefois été moins heureuse pour Le coeur de ma vie, une chanson portant sur l'urgence de défendre le patrimoine linguistique. Si la chanson a récolté un certain succès lors de sa sortie en 1989, il n'en demeure pas moins qu'elle n'a jamais remporté une cote d'amour durable auprès du public. Pourtant, signale Marie-Hélène Bergeron, à la veille de l'Accord du Lac Meech, tous les ingrédients étaient réunis pour faire de cette chanson un succès... sauf la chanson elle-même qui demeure trop terre à terre pour émouvoir les Québécois. Et si Rivard continue de chanter Le coeur de ma vie lors des fêtes nationales ou des grands rassemblements, elle ne possède pas le souffle poétique ni la puissance évocatrice d'une chanson comme La langue de chez nous, d'Yves Duteil, par exemple, où on sent vraiment ce «vent du large» qui incite à transformer le monde.