Victime en janvier 1844 d’une crise nerveuse d’une extrême violence, la première d’une longue série, Flaubert raconte s’être « senti emporté par un torrent de flammes ». Toujours à la merci d’une rechute, il abandonne ses études de droit et s’installe définitivement à Canteleu, au hameau de Croisset, près de Rouen. Ses parents y ont acheté une vaste demeure, au bord de la Seine. Là, il se consacre au « culte fanatique de l’art », l’unique consolation à « la triste plaisanterie de l’existence ». Caroline, sa petite sœur chérie, vient d’épouser Émile Hamard. Il accompagne les jeunes mariés lors de leur voyage de noces, qui les mène en Italie. En 1846, la mort lui arrache son père, puis sa sœur qui venait de donner la vie à une petite fille. Il recueille sa mère et sa jeune nièce à Croisset, qu’il ne quitte que très rarement. La même année, à l’occasion d’un de ses séjours à Paris, il rencontre dans l’atelier de son ami Pradier une dénommée Louise Colet, femme de lettres en vogue qui a épousé un musicien sans grand génie, Hyppolite Colet. Elle tient un salon fréquenté par des écrivains en vue, dont elle goûte particulièrement les attraits. Victor Cousin, Alfred de Vigny, Alfred de Musset et Abel Villemain seront ses amants, si bien que d’aucuns attribueront plus à ses charmes qu’à son mérite le prix de l’Académie française qu’elle obtiendra à quatre reprises. Sa liaison avec Flaubert sera orageuse. Après une première rupture en 1848, ils se réconcilient trois ans plus tard pour se séparer définitivement en 1855. Durant tout ce temps, ils ne cesseront de correspondre. Plus qu’une maîtresse, Louise Colet a été pour Flaubert une muse à laquelle il s’est ouvert de ses affres de créateur. Dans les centaines de lettres qu’ils se sont écrites, des poèmes entiers sont décortiqués ligne à ligne, des théories littéraires sont exposées et défendues. Enfin, Flaubert y évoque longuement ses œuvres en gestation, notamment Madame Bovary.