Tout en mangeant de bon appétit, car rien ne dispose
mieux que l’air vif des montagnes, j’examinais mes hôtes. J’ai
dit un mot de M. de Peyrehorade ; je dois ajouter que c’était la
vivacité même. Il parlait, mangeait, se levait, courait à sa bibliothèque,
m’apportait des livres, me montrait des estampes, me
versait à boire ; il n’était jamais deux minutes en repos. Sa
femme, un peu trop grasse, comme la plupart des Catalanes
lorsqu’elles ont passé quarante ans, me parut une provinciale
renforcée, uniquement occupée des soins de son ménage. Bien
que le souper fût suffisant pour six personnes au moins, elle
courut à la cuisine, fit tuer des pigeons, frire des miliasses, ouvrit
je ne sais combien de pots de confitures. En un instant la
table fut encombrée de plats et de bouteilles, et je serais certainement
mort d’indigestion si j’avais goûté seulement à tout ce
qu’on m’offrait. Cependant, à chaque plat que je refusais,
c’étaient de nouvelles excuses. On craignait que je ne me trouvasse
bien mal à Ille. Dans la province on a peu de ressources, et
les Parisiens sont si difficiles !