Leurs gestes étaient si larges qu'ils déplaceret des masses d'air. Les nuages en tirent tout transformés. Trois d'entre eux prirent la forme de gigantesques oiseaux de proie qui fondi- rent l'un après l'autre en direction de la plaine. Le premier souffla tout l'air qu'il contenait dans sa poitrine. Et c'est ainsi que naquit le mistral, ce vent violent auquel rien ne résiste, ni l'herbe folle, ni les vieux oliviers chenus, ni même les toits des bâtisses. Le second cracha sa colère en un jet de feu. Cest ainsi que naquit la foudre Le troisième tourbillonna inlassa- blement sur lui-même en agitant ses ailes puissantes. C'est ainsi que naquit l'ouragan. Sillant, tonnant et tempétant, tous trois agitérent les eaux du Rhône et de la Durance. Ils les gon- flèrent de leurs larmes de rage et les bousculerent de leurs souffles furieux à tel point qu'ils en détoumèrent le cours, laissant à la place des flots, des plages de galets ronds et blancs. Puis ils se retirerent, ravalant leurs sanglots, aspirant l'air dans leurs poumons, emmenant avec eux des tonnes de cailloux qui montrent au ciel et formerent là-haut un lourd nuage de pierraille. Petit à petit, ce nuage devint si gros et si pesant qu'il ne put demeurer suspendu entre le sol et l'azur Dans un craquement gigantesque, il se brisa comme un oeuf immense dont la coquille se fendille avant d'eclater Et, sous les yeux ellrayés des géants il lâcha une pluie de pierres qui ensevelit les orgueilleuses créatures sous un tapis de gros gra- vies. Plus personne n'entendit jamais parler des fils de Cain. Ne reste d'eux que la Crau, immens et blanche sepulture sous le soleil brillant.