La Maison Blanche a dévoilé, mardi 19 mai, un plan d’action national pour sauver les abeilles et autres pollinisateurs en péril qui jouent un rôle-clé dans la sécurité alimentaire américaine et pour l’environnement.
« Les insectes pollinisateurs sont essentiels pour l’économie nationale, la sécurité alimentaire et l’environnement », a expliqué John Holdren, l’un des principaux conseillers scientifiques du président, Barack Obama. « La pollinisation par les seules abeilles représente plus de 15 milliards de dollars de récoltes agricoles annuellement » dans le pays, a-t-il précisé. Il s’agit de fruits, de fruits à coque et de légumes. Mais « ces pollinisateurs souffrent ».
En effet, selon une estimation du ministère de l’agriculture (USDA – U.S. Department of Agriculture) publiée la semaine dernière, les apiculteurs ont perdu 42 % de leurs colonies d’abeilles ces douze derniers mois, dont une grande partie en hiver. C’est la deuxième plus mauvaise année pour la mortalité des abeilles domestiques aux Etats-Unis dans les annales. La pire avait été en 2012-2013 avec la disparition de 45 % des colonies.
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« Des pertes aussi importantes toute l’année restent très inquiétantes », avait soutenu Jeff Pettis, un entomologiste du USDA, coauteur de l’étude. « Les chercheurs doivent trouver de meilleures réponses à l’origine des événements qui mènent à ces pertes en hiver comme en été ».
Restaurer 2,8 millions d’hectares d’habitat
Ce phénomène encore mystérieux observé depuis 2006 en Amérique du Nord, mais aussi en Europe notamment, décrit la disparition assez soudaine dans les ruches de millions d’abeilles adultes.
Pour les scientifiques, une combinaison de plusieurs facteurs serait responsable de cette hécatombe, dont une mite parasite, un virus, la diminution des éléments nutritifs disponibles et la nocivité des pesticides.
Le plan d’action américain vise aussi à reconstituer les populations de papillons monarques, en très forte diminution. Le nombre de ces papillons migrateurs, qui vont passer l’hiver dans le Sud, surtout au Mexique, a baissé de 90 %, voire davantage les deux dernières décennies.
Ce plan prévoit de limiter la mortalité des colonies d’abeilles pendant l’hiver à 15 % au maximum dans les dix ans et à restaurer 2,8 millions d’hectares d’habitat dans les cinq ans, grâce à des interventions fédérales et des partenariats entre secteurs public et privé.
Il compte également accroître la population des papillons monarques jusqu’à 225 millions d’individus d’ici à cinq ans sur une superficie de forêt d’environ 6 hectares au Mexique, en collaboration avec le gouvernement mexicain.
Plus prudent sur les pesticides
De nombreuses agences fédérales sont mobilisées pour diversifier les espèces de plantes sur les terres fédérales, pour qu’elles soient mieux adaptées aux besoins nutritifs des abeilles et des autres pollinisateurs. Pour les scientifiques, les vastes régions agricoles pratiquant la monoculture, privent les abeilles de leurs sources de nourriture.
Le projet, qui met aussi l’accent sur la recherche scientifique, repose sur une stratégie « de mobilisation de toutes les ressources », faisant appel à tout un chacun, du fonctionnaire fédéral au simple citoyen, pour agir et sauver les abeilles, explique la Maison Blanche. Ces mesures sont l’aboutissement de l’appel lancé en juin 2014 par le président, Barack Obama, pour mettre en œuvre une stratégie fédérale.
« Accroître l’étendue et la qualité de l’habitat des pollinisateurs est une partie importante de cet effort allant du développement de jardins près des immeubles fédéraux à la restauration de millions d’hectares de terres domaniales et privées », a précisé la présidence.
Mais la Maison Blanche s’est montrée mesurée sur l’impact des insecticides : « Les pesticides jouent un rôle-clé dans la production agricole et la santé de notre société. Atténuer leurs effets sur les abeilles est une priorité du gouvernement fédéral », explique le document.
Un plan qui ne va pas assez loin, pour les organisations
En avril, l’Agence de protection de l’environnement américaine (EPA – Environnemental Protection Agency) a accordé un moratoire sur l’utilisation de certains pesticides (néonicotinoïdes) jusqu’à une évaluation complète des risques. L’Union européenne a, elle, interdit trois grandes classes de ces pesticides accusés de tuer les abeilles.
Tout en se félicitant de ce plan, les organisations de défense de la nature aux Etats-Unis estiment que l’administration Obama ne va pas assez loin, surtout pour réduire l’usage des pesticides.
« Le président a raison d’insister sur l’urgence de ce problème. Ces recommandations sont un bon premier pas pour sauver les abeilles, mais davantage d’actions plus urgentes sont nécessaires », juge Peter Lehner, directeur du Natural Resources Defense Council (NRDC – Conseil de défense des ressources naturelles), une organisation non gouvernementale, qui appelle à une réduction drastique de l’usage des pesticides.