Et pourtant, il n'en est rien. Par l'expression déjà, le visage incite à la songerie. Ce sourire inquiétant, qui a troublé tant d'écrivains, n'est peut-être que le sourire presque inconscient d'une jeune femme écoutant les joueurs de viole ou de luth engagés par le peintre. Il suffit, en tout cas, à créer le mystère. A vrai dire, ce singulier sourire n'est pas particulier à la Joconde. On le retrouve dans la plupart des visages du Vinci : de la Vierge aux Rochers à la Sainte Anne et au Jean-Baptiste. Il appartient donc moins au modèle qu'au peintre. Il marque la manière de voir et de sentir de l'artiste; ce sourire est le sien. Car, en peignant les portraits des autres hommes, tout artiste peint son propre portrait. Aussi bien, était-ce là l'opinion du grand maître florentin :