Le gouvernement thaïlandais annonce mardi le maintien des législatives anticipées du 2 février, refusant de céder aux pressions et aux menaces des manifestants de bloquer le scrutin.
La commission électorale, qui pressait pour un report du vote, a proposé lors d'une rencontre avec la Première ministre Yingluck Shinawatra de repousser les élections de 120 jours.
Mais elle s'est finalement résolue à leur maintien, tout en insistant sur les risques de violences alors que la crise politique qui dure depuis trois mois a déjà fait au moins dix morts.
La commission craint que des "affrontements" n'aient lieu lors du scrutin, a déclaré l'un de ses membres Somchai Srisutthiyakorn, notant que le cas échéant, les bureaux de vote fermeraient plus tôt.
La réunion a été provoquée par une décision de la Cour constitutionnelle qui a jugé la semaine dernière que les législatives anticipées pouvaient être reportées.
Mais "même si les élections sont reportées, les problèmes ne vont pas s'envoler. Je ne pense pas que le mouvement (de protestation) va s'arrêter", a souligné mardi le vice-Premier ministre Phongthep Thepkanjana.
Yingluck a de son côté plusieurs fois souligné que les législatives étaient pour elle la meilleure solution pour sortir de la crise.
La Première ministre fait face depuis trois mois à un mouvement de rue réclamant sa tête et la fin de l'influence de son frère, Thaksin Shinawatra, ancien chef de gouvernement renversé en 2006 par un coup d'Etat qui a englué le royaume dans une série de crises politiques à répétition.
Les manifestants, alliance hétéroclite des élites de Bangkok, d'ultra-royalistes et d'habitants du sud du pays réunis par leur haine de Thaksin, accusent le milliardaire de continuer à gouverner via sa soeur depuis son exil.
Ils réclament la mise en place d'un "conseil du peuple" non élu pour faire des réformes et éliminer ce qu'ils appellent le "système Thaksin" associé à une corruption généralisée, avant d'éventuelles élections, mais pas avant un an.
Voté anticipé perturbé dimanche dernier
Les protestataires ont fortement perturbé dimanche dernier le vote par anticipation, destiné aux électeurs ne pouvant pas se rendre aux urnes le 2 février.
Quelque 440.000 électeurs sur deux millions enregistrés ont ainsi été empêchés de voter par les manifestants. Et le meneur du mouvement Suthep Thaugsuban a promis de bloquer dimanche prochain "toutes les routes" menant aux bureaux de vote.
"Les manifestants assurent qu'ils veulent combattre la corruption et faire des réformes, mais cela ne justifie pas l'utilisation de la force et de l'intimidation pour bloquer le vote", a dénoncé Brad Adams, de Human Rights Watch, dans un communiqué.
La principale formation d'opposition, le Parti démocrate, boycotte quant à lui le scrutin dont le parti au pouvoir est encore favori.
Son président, Abhisit Vejjajiva, a toutefois indiqué que l'opposition pourrait envisager de participer à des élections si elles étaient reportées, appelant dans l'intervalle à la rédaction d'une "feuille de route" des réformes.
Pour faire face à la crise marquée par des attaques à la grenade et des tirs --dont l'un a tué un leader des manifestants dimanche--, le gouvernement a mis en place la semaine dernière à Bangkok l'état d'urgence pour 60 jours.
Mais, alors que la Première ministre a jusqu'ici privilégié une stratégie d'évitement entre police et protestataires, les autorités n'ont pour l'instant pas tenté de disperser les manifestants qui occupent plusieurs carrefours de la capitale depuis le lancement le 13 janvier de leur opération de "paralysie" de Bangkok.
Lors d'un nouvel incident mardi, des coups de feu ont été tirés près du bâtiment où avait lieu la réunion, devant lequel quelques centaines de manifestants étaient rassemblés.
Selon les services de secours, deux personnes ont été blessées, mais les circonstances étaient encore floues.
Mardi matin, le corps d'un homme touché par balles, qui "pourrait être un manifestant ou quelqu'un d'infiltré dans les manifestations", selon la police, a d'autre part été retrouvé près d'un des sites du mouvement.
Lors du dernier état d'urgence, lors du mouvement des "chemises rouges" en 2010, le gouvernement dirigé par Abhisit avait ordonné l'assaut de l'armée, autorisée à tirer à balles réelles. Cette crise avait fait plus de 90 morts et 1.900 blessés.